jeudi 27 septembre 2018


A méditer..

Citons Gilles Lapouge:

"D'aucuns s'émeuvent de la disparition du buvard qui recueillait, dans un désordre de bonne aloi, des fragments de texte qui, se superposant au mépris de tout alignement constituaient une œuvre méconnue, dictée par le hasard ; vestiges indéchiffrable de livres qui ne verront jamais le jour.
Pour porter au comble leur beauté, les lettres y sont écrites à l'envers ; nous ne pouvons les déchiffrer que dans les miroirs de la mort."

Éloge fait-il également, 

"de l'encre sympathique faite de citron voire d'un peu d'urine et qu'il faut chauffer pour que le texte apparaisse.
Parallèle malicieux, les calligraphes antiques rendaient illisible à dessein, pour respecter le dogme, 
le nom du Dieu."

Rendre illisible le nom de l'ineffable à moins de le chauffer vaut son pesant d'osties si, pour ce faire, 
il faut l'exposer,   (et pourquoi pas ? ), 
aux flammes de l'enfer..

Cette fausse disparition du texte évoque les palimpsestes successifs qu'ont hébergé les anciens parchemins en peau de bêtes dont les techniques modernes parviennent à exhumer les textes anciennement gommés ou carrément censurés .

Au Brésil, les esclaves noirs du 18ème siècle aimaient les feux d'artifice.
Ils confectionnaient des fusées en enveloppant de la poudre dans des partitions de musique 
(baroque, on est au Brésil..)
Récemment exhumées dans une décharge, ces partitions, incomplètement carbonisées ont été reconstituées et interprétées : 
" elles sont très belles, comme des haillons, avec des silences… " 

Les anciens juifs, respectueux s'il en est car « peuple du livre » répugnaient à purger leur bibliothèque d'ouvrages devenus hérétiques ou obsolètes en les détruisant.
Il recouraient pour cela à des "ghenitzas", lieux proches des synagogues où ils les enterraient .
On en a exhumé qui dataient de l'Égypte ancienne et qui se sont remis à vivre après une catalepsie pluri-millénaire.

Qu'adviendra-t-il de nos écrits qui s'étalent sur des supports numériques dont la pérennité est reconnue comme aléatoire?
Sans parler des ratures, repentirs et autres brouillons désordonnés qui ont déjà disparu avant même que d'avoir été.

Que seront leurs "encre d'urine", palimpsestes, ou Ghenitzas dans l'univers impitoyable et virtuel du cloud ?

1 commentaire:

  1. C'est bien le drame : point de palimpsestes dans le virtuel. Cela dit, tout effet pervers a son côté positif, qui est : point de palimpsestes. Ce qui pour certains scribouilleurs besogneux, est un bienfait.

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