samedi 10 mars 2018

Barbey d’ A



-« Bonjour mère », dit le soldat à Catherine II qui passe dans le corridor sombre dans quoi il monte la garde.
-« Comment m’as- tu reconnue » dit-elle, il fait nuit dans ce couloir.
-« Majesté, pas maintenant ; où vous êtes,
il fait jour ! »,
répond le soldat.


 Charlotte Corday porta tout le jour dans son déshabillé blanc,
ce couteau acheté à seule fin de le plonger dans le sale Marat à seule fin qu’il rouillât dans cette fange.


La folie furieuse est la moins commune chez les fous. Le plus frappant, le plus pénétrant, le plus inoubliable d’impression,ce sont les fous tristes.
Quelles poses inouïes à étudier pour un sculpteur.
Quelles admirables cariatides, bas-relief ou pause tumulaires !
Intensité sur-humaine de la douleur, sur-humaine en effet puisque L’humanité est restée sous le coup, tuée dans sa partie intelligente et lumineuse.
Quels fronts penchés, quelles torsions de cous sur les poitrines, quels entrelacs de bras par-dessus les têtes, manières d’être assis par terre ou de s’incruster dans le mur.
Ce sont tous gens grossier, laids de galbe, appartenant aux dernières classes de la société,
Et bien il y a de l’idéal antique dans leurs poses
L’absorption tragique en eux-mêmes, épouvantable, dévorante, tarit tout en eux, même le regard.
Ce sont les seuls parmi les fous qui ne regardent rien et ne prennent nulle souci du monde extérieur.
Vous allumeriez l’incendie à leurs pieds qu’il ne bougeraient pas !
Passés à l’état de pierre stupide au fond de quoi suinte quelque chose qu’on ne voit pas et qui est le désespoir , l’insanité.
Cette immobilité est un mordent qui fend le cœur.
Il révèle l’éternité du supplice par l’immobilité rigide de la pose. Presque tous regardent la terre, justification du mot d’observation : « Quand on pense au passé, on regarde la terre ; quand on pense à l’avenir, on regarde le ciel.
Ces fous tristes sont des malheureux.
La cause de leur folie est une douleur, un chagrin de la vie.
Ils regardent la terre.
Ils n’ont plus d’avenir.


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