mercredi 31 janvier 2018


Enfant, il pourrissait la vie de sa grand-mère.
Il exigeait qu’elle écoutât ce qu’il était en train de lire.
Il lui lisait à haute voix, surtout à des moments fatidiques, 
tels la surveillance d’une cuisson délicate ou la reprise d’une chaussette capitale,
les aventures de Bicot ou les chevauchées pétaradantes d’ Hopalong Cassidy.
Mamie soupirait doucement.
Elle faisait semblant de s’agaçer puis, essayait de contrôler son ouvrage,
en simulant un intérêt poli pour les péripéties stupides qu’on lui déroulait.
Elle allait même jusqu’à lui offrir le luxe de compliments sur son interprétation bouleversante et drôlatique des illustrés en question.

C’est à elle qu’il pense aujourd’hui,
le livre sur les genoux, murmurant d’une voix prétendument convaincante,
les phrases interminables d' «A la recherche du temps perdu ».

Posée sur le manteau de marbre, au bord duquel il est assis,
la photo émaillée penche un peu,
sur quoi elle lui sourit tendrement.


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